samedi 17 octobre 2009

L’Oiseau moqueur – Sean Stewart



La collection Interstices chez Calmann-Lévy porte bien son nom, tant elle se compose d’ouvrages étranges qui se glissent dans les petits vides laissés par les gros mastodontes des littératures de l'imaginaire (et pas que). C’est la collection des 1001 vies de Billy Milligan de Daniel Keyes ou de la Voix du feu d’Alan Moore (un jour je le finirai celui-là, j’y compte bien !).

J’aime beaucoup le style de leurs couvertures (signées par Néjib Belhadj Kacem) -sauf celle-ci pour me contrarier), extrêmement simples mais très efficaces. Au milieu des panoplies de barbares, d’elfes, de châteaux et de fouillis fantaisistes, leur sobriété attire l’œil.

Et accessoirement, le contenu vaut généralement aussi le détour, la preuve avec l’Oiseau moqueur. A la bibliothèque où je l’ai emprunté, ils lui ont collé une étiquette « fantastique ». Soit, il y a de ça, mais c’est un fantastique très léger, sans aucune trace d’horreur, et très loin de la bit-lit qui explose dans les rayons en ce moment.

L’histoire est celle de Toni Beauchamp, trentenaire vivant à Houston. Elle vient d’enterrer sa mère, décédée des suites d’une longue maladie. Etrange personnage que sa mère, Elena Beauchamp, un peu sorcière sur les bords. Elle lisait l’avenir aux gens, et ponctuellement se retrouvait possédée par des entités un peu bizarres, des petits dieux qu’on appelle les Cavaliers

Ca n’a rien à voir avec l’Apocalypse, c’est juste qu’ils « chevauchent » la personne qu’ils possèdent (c’est moi ou cette phrase aurait sa place dans un mauvais roman érotique ?). Les dits cavaliers ont chacun un nom, une personnalité, et leur rangement dans un buffet.

Toni, elle, est actuaire, autant dire qu’avec sa manie des statistiques, elle est aussi rationnelle que sa mère était irrationnelle. D’ailleurs sans jamais avoir été fâchée avec sa génitrice, elle entretient des relations assez tendues avec son souvenir.

Peu après l’enterrement, elle décide de s’occuper de sa vie, en commençant par se faire un enfant toute seule (les miracles de la science), puis de lui trouver un père. L’affaire ne va pas être simple, les imprévus ayant tendance à pleuvoir, d’autant plus, qu’en prime, il semblerait que sa mère lui ait légué ses Cavaliers, ce qui ne facilite pas la vie.

Ne vous attendez pas à une grande aventure héroïque sur la sorcellerie (chasse au sorcière et grand méchant compris), vous n’en verrez pas pas la moindre trace. L’Oiseau moqueur, c’est l’histoire de la vie de Toni, qu’elle nous raconte à la première personne façon mémoires, de l’enterrement de sa mère à la naissance de son enfant.

C’est une histoire banale de vie de tous les jours, où l'on parle amour, famille, emploi, et où l’irruption de la magie est tellement admise par les différents personnages que cela en semble parfaitement normal.

Oui, c’est parfaitement normal de se faire posséder en pleine séance de shopping par un esprit féminin qui va dévaliser Victoria’s Secret et flirter avec la vendeuse. De même qu’il est tout à fait logique d’avoir une mère qui lisait l’avenir pour une compagnie pétrolière. Ou encore une sœur qui voit l’avenir, mais uniquement lorsqu’il est positif.

Bref, ici l’élément magique est parfaitement inclus dans le paysage, et sert surtout à démêler les écheveaux complexes des relations de cette famille assez hors du commun, et des amis et autres personnes qui gravitent autour, qui semblent tous avoir un petit grain de folie.

Folie douce, c’est le terme qui caractérise cet ouvrage. L’écriture reflète tout à fait ça, puisque le récit se fait à la première personne, par Toni elle-même. Cela donne un franc-parler assez épatant, léger et facile à lire, qui sait être à la fois drôle et émouvant.

Les dialogues sont tout particulièrement bien léchés, très vivants, et parfois franchement drôles. Dans les premiers chapitres notamment, Toni annonce sa grossesse à sa sœur lors d’une séance de shopping (dans l’optique de se rhabiller pour trouver un père au bébé), ce qui donne des échanges complètement fous :

- C’est tout à fait cohérent. Je veux un bébé. Mais si je commence par attendre l’homme qui fera un bon père, je risque de ne plus avoir de temps devant moi quand il arrivera. Alors que si je commence par avoir un bébé, je me serai de toute façon constitué une famille, même si je ne déniche pas l’homme qui convient. […] Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras » non ?
- Tu es devenue folle, énonça-t-elle. Le traumatisme de la mort de maman t’a plongé en pleine crise existentielle.
- Je ne suis pas folle, je suis actuaire. Ce n’est pas pareil.

Le résultat, c’est quelque chose qui s’apparente à un mélange de fantasy urbaine et de chick-lit, un croisement un peu barré entre Bridget Jones et Juno relevé d’une touche de fantastique. Dans le genre, c’est franchement pas courant, et honnêtement, si y’en a d’autres comme ça, je suis preneuse !

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