lundi 21 juin 2010

Le Dit d'Aka - Ursula K. Le Guin


Vous n’êtes pas lassés d’Ursula Le Guin j’espère ? Normalement c’est mon dernier pour le moment, mais j’y reviendrais sûrement à l’occasion, pour ses recueils de nouvelles ou sa nouvelle série, les Chronique des rivages de l’Ouest. Il faut dire que plus j’avance dans ses textes, plus je les apprécie, et le Dit d’Aka ne fait pas exception.

Ce roman se situe toujours dans cet univers de l’Ekumen, mais bien après les autres romans, alors que la Terre vient de traverser une période sombre de théocratie où les anciens savoirs ont été détruits, les infidèles persécutés… c’est bien la première fois qu’on visite franchement la Terre dans un roman d’Ursula Le Guin, et ce n’est pas très encourageant.

Cependant, le Dit d’Aka se déroule principalement sur la planète Aka, où la société a été complètement bouleversée par l’arrivée des envoyés de l’Ekumen. Après des millénaires de statisme, l’arrivée de la technologie a entrainé de grands changements, et un régime bureaucratique axé sur le progrès technologique a été mis en place, bannissant tous les vestiges du passé, à commencer par toute l’histoire et les témoignages culturels de la planète.

Pour Sutty, une Terrienne d’origine indienne, il n’est pas facile de faire son travail d’envoyé de l’Ekumen chargée de collecter des informations sur le passé d’Aka, vu que tout a été détruit ou presque de cette culture qui a dominé la planète pendant tant d’années. Et il est difficile pour elle de mettre de coté son propre ressentiment envers cette destruction d’informations, à l’instar de celle qui a eu lieu sur Terre.

Une fois n’est pas coutume, le Dit d’Aka se révèle être un roman calme, où tout est dans la découverte, la promenade, et les réflexions que cela entraine. Sutty est en effet envoyée à la campagne pour essayer de retrouver des traces de ce passé détruit, et elle va ainsi mettre au jour toute une culture fascinante, complètement basée sur la littérature (écrite ou orale).

Le Dit d’Aka qui donne son nom au roman est l’appellation donnée par Sutty à défaut de trouver un terme réellement adapté à cet ensemble contenant poésie et histoires, pharmacie et charlatanerie, exercices de gymnastique et conseils d’alimentation qui constitue l’ancienne culture de cette planète.

On sent clairement les rêves d’utopie d’Ursula Le Guin, avec ce monde ancien où le meurtre et le crime n’existent pratiquement pas, même si comme toujours ce portrait rêvé se révèle assez ambigüe selon qui le dessine.

L’élément le plus étrange et le plus brillant est d’avoir réussi à construire une société où la religion n’existe pas telle qu’on la connait nous. Pas de prières, pas de figures tutélaires, pas de temples (sinon des sortes de bibliothèques collectant les écrits). Il y a clairement des inspirations des religions asiatiques, mais cela donne tout de même un univers étrange et fascinant à découvrir.

D’autant plus qu’on en a un aperçu très fragmentaire, puisque toute cette culture a été complètement effacée au profit d’une nouvelle société tournée « vers les étoiles », qui brûle les livres et efface les caractères sur les murs, s’approchant de très près d’un Fahrenheit 451, mais en plus tranquille.

Autant on sentait clairement l’ambiance de guerre froide dans ses romans des années 70, autant ici on sent clairement la critique de l’extrémisme sous toutes ses formes, mais toujours sans aucun manichéisme et avec des protagonistes très humains.

Sutty revient régulièrement sur son approche biaisée par son expérience sur Terre, et sa confrontation avec le Moniteur qui pourrait ressembler à une lutte du Bien contre le Mal chez d’autres auteurs prend ici une forme assez surprenante, très humaine en fait.

C’est vraiment le maitre-mot de ce cycle de l’Ekumen, et d’ailleurs c’est quasiment écrit mot pour mot dans ce roman :

« Elle ne se lassait pas de ces récits banals et fragmentaires de vies ordinaires. Ils contenaient tout ce que la littérature et la propagande officielle passaient sous silence dans leurs épopées. Entre les héros et les hernies, elle n’hésitait pas une seconde : elle choisissait les hernies. »

Et c’est un peu le propos de ce roman qui parle finalement beaucoup du banal et du quotidien, avec une approche très ethnologique de son sujet.

C’est un roman assez court, moins de 200 pages en grand format, je comprends mieux d’ailleurs qu’on lui ait adjoint Le Nom du Monde est forêt en vf (et un essai de Gérard Klein que j’ai survolé vite fait donc je ne vous en parlerais pas), même ces deux novellas sont complètement différentes à tout point de vue. Mais sa petitesse n’empêche en rien de s’offrir un beau voyage dans le futur qui ne laisse pas indifférent.

CITRIQ

4 commentaires:

Malorie Leduc a dit…

Je me dis de plus en plus, que je devrais découvrir cet auteur...

El Jc a dit…

Avec une telle chonique comment veux tu que nous soyons lassés de Le Guin ? Bien au contraire plus je te lis et plus j'ai envie de plonger dans cet univers. J'en parlerai à mon libraire à l'occasion ;o)

Vert a dit…

J'aurais su j'en aurais proposé un en lecture commune... ce n'est que partie remise ceci dit ^^

Malorie Leduc a dit…

J'espère que tu en proposeras une, pour le mois de septembre (du cercle d'Atuan)...